Visé par une procédure initiée par le Barreau de Paris, Doctrine, le moteur de recherche des décisions juridiques, censé faciliter les recherches de jurisprudence des avocats et magistrats, ne fait pas que des heureux.
Doctrine, un acteur controversé de la « LegalTech »
La start-up, qui a développé un puissant moteur de recherche juridique, a en effet connu une croissance fulgurante depuis sa création en 2016. Elle compte ainsi plus de 7 millions de décisions dans sa base de données, 60 collaborateurs au sein de son équipe, et a réalisé deux levées de fonds : 2 millions d’euros en octobre 2016, puis 10 millions d’euros en juin 2018.
L’idée derrière cette start-up est simple : la plateforme en ligne Doctrine est un moteur de recherche juridique, qui agrège des décisions de justice et permet aux avocats et magistrats de les retrouver facilement. Partant du postulat que près de 9 avocats sur 10 ne trouvent pas l’information juridique nécessaire pour défendre leurs clients, Doctrine a créé un méga moteur de recherche recensant les décisions, classées et mises en contexte.
Des pratiques douteuses à l’origine de plaintes
La plainte en cours, initiée par le Conseil national des barreaux et le barreau de Paris, vise les méthodes utilisées pour recueillir les données. En effet, selon ces acteurs, la plateforme aurait utilisé la technique du « typosquatting » afin de se faire passer pour des cabinets juridiques légitimes et obtenir certaines informations. Le typosquatting, mot forgé par le journaliste du Monde qui a découvert ce scandale, consiste à échanger une lettre dans le nom de domaine utilisé pour le mail par une lettre proche. Le Monde cite le cas de la société Avocatline.fr, qui a été victime de cette pratique, en découvrant des emails frauduleux signés @Avocatlime.fr avec un « m » à la place du « n ». C’est ce type de pratique qui est décrite dans la plainte visant Doctrine, qui est basée sur 6 motifs : usurpation du titre d’avocat, escroquerie, vol simple et accès et maintien frauduleux dans un système informatique, usurpation d’identité, recel et traitement automatisé d’informations nominatives sans déclaration préalable à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Un lourd impact sur le domaine des LegalTech
L’affaire met en lumière un combat entre deux mondes : l’un ouvert à la transparence des données et l’autre réticent à l’émergence de nouveaux acteurs numériques. La « Disruption » du domaine de la jurisprudence fait entrer les start-ups avec fracas dans un domaine habitué aux approches plus feutrées.
Le combat légal autour de Doctrine a donc un double enjeu : celui de fixer les limites de la disruption, et celui de faire étendre des règles de bonne conduite et de déontologie communes à la profession dans les entreprise. Affaire à suivre…
Supplément d’informations : vous pouvez trouver les décisions référencées concernant nos avocats associés sur Doctrine :